Freitag, 5. September 2014

Comment l'Amérique a perdu son âme

«Aujourd’hui, aucun Américain n’est à l’abri de son propre gouvernement», écrit Paul Craig Roberts dans l’Introduction de son nouveau livre intitulé « Comment fut perdue l’Amérique ». Voici en résumé le message essentiel de ce livre : La plus grande menace qui pèse sur le peuple américain vient de son propre gouvernement, et non point d’un imaginaire danger terroriste. La rhétorique alarmiste antiterroriste sert de prétexte aux guerres d’agression de l’Amérique. 

Dans cet ouvrage, qui constitue une anthologie de ses propres articles, Roberts apporte des arguments prouvant que les Etats-Unis d’Amérique sont devenus un Etat voyou. Selon lui, « Le destin de l’Amérique fut scellé lorsque le mouvement pacifiste adhéra à la thèse conspirationniste du 11 septembre. Bien des preuves contredisent la version gouvernementale du 11 septembre. Néanmoins, l’événement clé de notre temps, événement qui a lancé les Etats-Unis dans d’interminables guerres d’agression et dans l’instauration d’un Etat policier, est un tabou pour toute investigation dans les media. » Sans la collaboration volontaire, non seulement des media étatsuniens mais aussi de leurs relais internationaux, le récit falsifié du 11 septembre n’aurait jamais reçu une aussi large créance, nonobstant ses défauts évidents et ses innombrables contradictions. D’après Roberts, la raison en est « qu’il n’y a pas de presse libre en Amérique (à l’exception des sites internet). » 

Entre les bellicistes néoconservateurs de Bush et les amazones interventionnistes et guerrières d’Obama, il n’y a qu’une différence de genre. Roberts, qui fut un vice-ministre des finances des Etats-Unis, est devenu l’un des critiques les plus francs et les plus acérés des sombres machinations du gouvernement des Etats-Unis, à commencer par celles de l’administration de George W. Bush, mais aussi de leurs suites sous la présidence d’Obama. Les conclusions auxquelles arrivent Roberts pourront être éclairantes pour les journalistes et les spécialistes de l’Empire américain lorsqu’il déclare : « Les Américains sont gouvernés par des usurpateurs qui proclament que l’Exécutif est au-dessus de la loi et que la Constitution des Etats-Unis d’Amérique n’est qu’un torchon de papier. » ou encore : « Les Américains ont subi un coup d’Etat, mais ils ne se décident pas à le reconnaître. » 

Cette anthologie comporte un grand nombre d’articles écrits entre 2009 et 2013 sur quantité de questions. Dans l’article du 7 novembre 2013 intitulé « Comment fut perdue l’Amérique », titre qui fut ensuite donné à l’ouvrage lui-même, Roberts donne une citation extraite d’un discours de Dean Acheson (*) prononcé devant la Société américaine de droit international, en 1962. Acheson affirma que « le pouvoir, la fonction et le prestige sont les ingrédients de la sécurité nationale et que la sécurité nationale prime le droit. » Du discours d’Acheson, Roberts conclut que, aux Etats-Unis, la sécurité nationale l’emporte sur la démocratie. Or l’expression « sécurité nationale » ne signifie rien en particulier mais justifie tout et n’importe quoi.

Plusieurs articles traitent du 11 septembre 2001 et de ses conséquences pour les Etats-Unis et pour le monde. Depuis cette date, aux Etats-Unis, le droit n’est plus le bouclier de tout un chacun car « il a été transformé en une arme dans les mains du gouvernement. » Depuis le 11 septembre, la branche exécutive de l’Etat s’est élevée au-dessus du droit. Et le 30 septembre 2011 « l’Amérique a été assassinée » – écrit-il – dans son article « Le jour où mourut l’Amérique ». Ce jour-là, Obama, usant de son pouvoir absolu, a fait tuer deux citoyens américains, Anwar al-Awlaki et Samir Khan. Quelques jours après, le fils d’al-Awlaki fut également tué par un drone au Yémen. « Après avoir tué son opposant, le régime d’Obama se donne du mal pour promouvoir al-Awlaki, à titre posthume, au rang de membre dirigeant d’Al-Qaïda. » Que le Président d’une démocratie qui se veut un modèle tienne une liste personnelle des individus à tuer est un fait sans précédent dans l’histoire. Obama est, jusqu’ici, le premier Président des Etats-Unis « qui ait affirmé avoir le droit de tuer des citoyens. »

Dans son article intitulé « Washington conduit le monde à la guerre », Roberts présente une perspective bien sombre. « La guerre fatale pour l’humanité est celle à laquelle Washington prépare les Etats-Unis et ses Etats vassaux de l’OTAN et d’Asie à mener contre la Russie et la Chine. » La bigoterie des dirigeants américains réside dans leur doctrine autojustificatrice qui postule que l’Amérique est « le pays indispensable ». Selon notre auteur, cela signifie que « l’Histoire a choisi les Etats-Unis pour établir l’hégémonie du “capitalisme démocratique“ sur le monde. La primauté de ce but place le gouvernement des Etats-Unis au-dessus de la morale traditionnelle et de tout droit, tant au-dessus de son droit national qu’au-dessus du droit international. Et ce qui est le plus alarmant, c’est le fait que, à quelques exceptions près, le peuple américain, y compris les Eglises chrétiennes, a accepté la criminalité et l’immoralité de son gouvernement, sans guère protester, et qu’il en a été de même pour les Etats européens vassaux des Etats-Unis.

Il était acquis d’avance que l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord, plus connue par son sigle, l’OTAN, suivrait le mouvement car, selon notre auteur, l’OTAN « a ressuscité l’armée impériale de l’Amérique ». D’après lui, les néoconservateurs sont amers du fait que la Guerre froide ne s’est pas terminée par un triomphe militaire des Etats-Unis sur la Russie. Un triomphe, tel est l’objectif que ces dangereux bellicistes persistent à poursuivre. Jusqu’ici, grâce à son habileté diplomatique, le Président de la Russie, Vladimir Poutine, a évité aux Etats-Unis l’épreuve de force. Mais pour la classe politique belliciste des Etats-Unis, il n’y aura pas de paix sans défaite de la Russie. Sa première étape vers ce but consiste à préparer un coup d’Etat en Ukraine en vue d’installer à Kiev un régime vassal. 

Dans sa conclusion, Roberts signale le travail du Département américain de la justice qui n’a pas hésité à fournir des justifications juridiques pour permettre aux Présidents des Etats-Unis d’enfreindre le droit et la Constitution. En comparaison avec la sophistication de ces juristes, George Orwell fait figure d’amateur.(**)

Cette anthologie comporte un grand nombre de précieux articles émanant de l’un des critiques les plus virulents de l’Amérique. Il est regrettable que les media complaisants des Etats-Unis n’impriment pas ces excellentes contributions. 

D'abord publié ici

Traduction par professeur Ivo Rens.